LES MOULINS ET LES MEUNIERS

Les moulins

Après l'utilisation de la meule primitive - deux pierres rondes superposées tournées à la main - l'ingéniosité de nos ancêtres les a conduits à utiliser deux éléments naturels: d'abord l'eau, ensuite le vent pour moudre leurs céréales.

Un parchemin des archives de l'Ecuray de 1445, révèle l'existence d'un étang "depuis Blanche-Couronne jusqu'à la Haie-de-Besné". Il situe un moulin à eau près de la chaussée, vraisemblablement au Courtil-Ballu. Cet étang laisse encore, de nos jours, des zones humides, il est fort possible, que par son étendue, il alimentait plusieurs moulins à eau.

Progressivement ils ont été remplaces par les moulins à vent dont le principe, plus récent, a été rapporté d'Orient par les Croisés. Leur emploi s'est généralisé au Moyen Age, au XVème siècle dans notre région. Ils étaient, pour la plupart, d'origine noble, le droit d'édification, jusqu'à la Révolution, était réservé aux seigneurs et aux Abbayes. La forme a varié avec l'époque de construction : une tour large, trapue en granit avec un rétrécissement à la base appelé "ceinture"; une tour droite et cylindrique pour les plus récents, construits au XIXème siècle. Fièrement campés sur nos collines, dominant les champs, leurs ailes tournoyant dans le ciel, ils étaient un symbole de vie.

Ils ont été construits là où le vent avait l'habitude de souder, sans retenue. Le Sillon de Bretagne, balayé par les vents a été une terre d'élection pour les moulins. Le cadastre de 1825 de la commune de Prinquiau en révèle quatre : deux à la Haie--de-Besné, un à la Grée et le Moulin Neuf.

Les moulins de la Haie-de-Besné bien situés sur le chemin Bertou qui conduisait de Pontchâteau à Savenay appartenaient en 1857 à M. du Guiny et existaient avant la Révolution.

Le moulin de la Grée, situé sur la crête du sillon, à droite du chemin qui conduit à la Louitais, appartenait à la maison seigneuriale de l'Ecuray. La Marquise de la Rochejaquelein qui s'est réfugiée à la ferme de la Grée, pendant les guerres de Vendée, allait y passer ses journées. La cachette devenait un observatoire, toute la région se découvrait de la chambre des meules. Ce moulin a appartenu à la famille Château. M. François Tessier a été le dernier meunier à l'exploiter. Il a été vendu à M. Billy qui l'a fait raser. Rien ne révèle I 'origine du Moulin Neuf. En 1857 il est exploité par M. Avenard. Vers 1868, Julien Jagu meunier à Saint-Roch, achète ce site pittoresque appelé "La Butte" pour son fils René. Là, le meunier vit avec sa famille.

Tous les éléments de la vie rurale y sont réunis: le moulin large, trapu avec ses ailes qui rasent le sol, en contre-bas la maison et ses dépendances, la grange, avec son escalier extérieur, adossée au coteau, le four et la fontaine. La famille Jagu y résidera pendant un siècle.

Vers 1900 Jules Jagu a succédé à son père. n a tenu le moulin jusqu'en 1937. Mais, à son décès, le moulin commençait à se délabrer et le travail diminuait. Pendant des années il a offert au regard des Prinquelais cette tour ouverte sur le ciel à moitié démolie. La "Butte" avait perdu sa raison d'être. La dernière meunière, malgré l'isolement, y est restée jusqu'en 1958. Il n'est pas facile de quitter des lieux si chargés de souvenirs où chaque jour le regard découvre l'immense paysage de la vallée de la Loire et de l'estuaire. Il semblerait que le Bas-Prinquiau n'ait eu son premier moulin à vent que vers 1860, c'est Pierre Courtois qui le fera construire et choisira le "Tertre" pour l'édifier. Il sera exploité par le fils et le petit-fils. En 1936, le travail devait décliner, le meunier change d'emploi. Il a vendu son moulin à l'entreprise Charrier de Montoir. Les pierres ont servi au redressement des virages de Sem sur l'ancienne route nationale de Saint-Nazaire-Nantes.

Vers 1880, René Jagu meunier au Moulin Neuf décide, lui aussi de construire un autre moulin dans le Bas-Prinquiau. Il a choisi le terrain de la "Branche" situé au -dessus du village de Malnac. Il sera exploité par ses fils: Eugène et Emmanuel qui habitent Caudry depuis leur mariage. Construit en pierres de la Grand-Grée, bien élancé, avec sa tour droite cylindrique, il promettait pour le XXème siècle, mais, après le décès des meuniers en 1936 et 1946, le glas avait sonné aussi pour leur moulin.

Il a été rasé et les pierres ont, elles aussi, servi à la réfection des chemins.

De nos jours, sur les six moulins à vent qui existaient dans la campagne prinquelaise, les deux de la Haie-de-Besné dressent sur leur cerne leur silhouette et sont les témoins d'un passé révolu. Le plus ancien, recouvert de lierre, n'a conservé que le tronc, un escalier extérieur l'a transformé en tour. Il semblerait qu'en raison de sa situation il ait servi de belvédère pour

prises de vues. Le deuxième qui a été le dernier en activité à Prinquiau et exploité par M. Jean Rialland essaie de défier le temps. De sa toiture délabrée quatre ailes tendues restent figées dans l'horizon.

Le meunier faisait partie intégrale de la vie rurale, son métier est souvent évoqué dans les chansons.