SITUATION GEOGRAPHIQUE

Géologie et géographie

Avant d'aborder l'histoire de Prinquiau, il semble utile de situer géographiquement et géologiquement ce bourg.

Prinquiau est une bourgade bretonne située au pied du "Sillon de Bretagne", à environ 10 lieues, comme on disait jadis, soit 40 km, à l'ouest de Nantes, 6 km à l'ouest de Savenay et 18 km de Saint-Nazaire. Elle est également sise entre plusieurs voies de communication : la Loire, les routes et lignes de chemin de fer Nantes-Le Croisic et Nantes-Vannes, ce qui a influencé son développement.

Le "Sillon de Bretagne", dont je viens de citer le nom, fait partie du Massif armoricain dont la branche qui nous concerne court de la Cornouaille à la Vendée, le long de l'Atlantique, et a été la conséquence du "plissement hercynien" celui-ci s'étant produit il y a environ 200 millions d'années. Ce n'est pas une "montagne" car dans notre département, il ne dépasse pas 90 mètres. Au cours de l'ère tertiaire, précédant immédiatement notre ère actuelle, dite quaternaire, qui a commencé il y a environ 2 millions d'années, le vieux socle usé de la Bretagne a été bousculé par de puissantes secousses, lors du plissement alpin. Sous des poussées formidables en profondeur, notre département a eu tendance à s'enfoncer. La Loire, qui s'écoulait vers la Seine a été attirée vers ce creux et s'est dirigée, à travers le département, vers St-Nazaire, profitant de l'effondrement au pied du Sillon de Bretagne. Notre région côtière a subi de nombreuses fractures. A la fin de l'ère tertiaire, un niveau marin élevé a déposé des débris sur le sol. La région côtière du département a subi plus de fractures que le reste du Massif Armoricain. Les blocs, à l'ouest du Sillon de Bretagne, se sont effondrés en marches d'escalier qui descendent sous la mer. La faille qui va de Pontchâteau à Nantes taille une marche de 50 m de haut. La faille sud est visible au sommet de la côte de Savenay. Les grandes dépressions (Brière environ 2.000 ha) se sont remplies d'alluvions qui ont, avec les marées, engraissé les berges de la Loire. Tous ces bouleversements expliquent le relief tourmenté de notre région, la présence de roches de natures très diverses : (granit, granulite, gneiss, schistes cristallins, cristaux de quartz, paillettes de mica, etc.) mais aussi de nature marécageuse.


Origine

Après cet aperçu rapide des caractéristiques géographiques et géologiques de notre village, se présente une question qui m'a été souvent posée : "d'où vient ce nom de Prinquiau, quelle est sa signification ?". La réponse va décevoir, mais il faut bien la donner: "on ne le sait pas". Les toponymistes (1) interrogés, et, malheureusement, il en existe fort peu, n'ont pu donner aucune explication, non plus que les ouvrages consultés. Au vrai, cela se comprend, on verra plus loin pourquoi. A cause de la proximité des marais, deux origines de ce nom ont été avancées, toutes deux s'appuyant sur le latin :

- 1 - "Proque ad aquam" : près de l'eau

- 2 - "Proquinque aquea" : les eaux proches,

cette dernière étant celle qui, par la suite de la déformation due à l'usage du nom, se rapprocherait le plus de PRINQUIAU, et nous verrons qu'il y a eu d'autres déformations au moins aussi importantes. Toutefois, l'histoire de notre commune fera apparaître d'autres éléments à considérer.

 J 'ai dit que I 'ignorance des toponymistes quant à l'origine du nom de notre bourg se comprenait un peu. Il faut en effet savoir que ce nom ne s'est pas toujours écrit comme de nos jours, même si l'on tient compte du fait que, jadis, la graphie des noms propres n'était pas fixe, chacun écrivant soit à son idée, soit suivant ce qu'il entendait, ou croyait comprendre. Mais, de plus, ce nom a même totalement changé ! Que l'on en juge :

- jusque vers 1780, on trouve l'orthographe actuelle,

- dans son "Dictionnaire de Bretagne" (édition de 1779) OGEE, ingénieur-géographe de la Province de Bretagne, écrit : PRINQUEAU, cette graphie existant déjà en 1573,

- en 1563, on écrit : PRINCQUEAU,

- en 1287 : PLENCQUEAU (Pouillé diocésain)

- en 1284 : PRENCQUEAU (titres du Prieuré de Donges)

- en 1115 : premier changement important: PREVENQUER (charte de Brice, évêque de Nantes, titres de BERE, Archives Départ. cote H 112),

- enfin en 1090 : PREHINQUEL ! (cartulaire de l'Abbaye Saint-Cyprien de Poitiers, n° 593).

A noter que, sur une carte dite "de Cassini" (2), j'ai trouvé écrit : "PRINQUELEAU", or, il existe en limite de BESNE - DONGES - PRINQUIAU, les marais et le lieu-dit du "PINGLIAU". Coïncidence ou confusion ?. ..

Il faut bien admettre, dans ces conditions, qu'il est fort malaisé de déterminer la source, et, par suite, la signification du nom de notre commune. Aussi, pour le moment, acceptons l'origine, admise, du latin. Elle a, d'ailleurs, le mérite de correspondre à la réalité. Mais on peut espérer que se découvrira la clef de l'origine.


Histoire ancienne

Ayant ainsi placé notre bourg dans son cadre géographique et géologique et tenté, hélas, sans succès, de trouver la signification de son nom, nous pouvons passer à l'étude de son histoire.

Celle-ci ne sera, malheureusement, pas aussi détaillée qu'on le souhaiterait, car il n'existe pratiquement pas d'archives antérieures à la Révolution, pour les raisons qui seront indiquées au chapitre sur l'église. Il y a toutefois un certain nombre d'ouvrages qui ont été écrits sur l'histoire de la région NANTES - ST-NAZAIRE, et qui permettent d'avoir sans grand risque d'erreurs importantes, une idée générale de l'histoire de Prinquiau.

Ce que l'on sait avec certitude, c'est que notre bourg est très ancien, mais comme il ne s'agissait pas d'une agglomération importante, son nom ne figure pas dans les chroniques. Le climat de notre région, le voisinage de la Loire, grande voie de communication, son sol fertile, sa situation stratégique de choix, ont attiré différentes peuplades. Ce furent, sans que l'on ait de date précise sur leur présence : les Kymris et Scythes, originaires du Sud de la Mer Noire, les Pictes venus de la Calédonie (ancien nom de l'Ecosse), les Scots, sortis de l'Hibernie, précédemment appelée "Scotia" et devenue l'Irlande. Mais la plus importante colonisation fut celle des Romains . Qui nous est mieux connue, en particulier par 1 'ouvrage de 1' empereur romain Jules César "Commentaires de la Guerre des Gaules". C'est en 56 avant J.-C. qu'il envoya un de ses lieutenants occuper la Bretagne et, en particulier, le territoire compris entre Guérande, Angers et Savenay, et même jusqu'à Nantes.

La présence des troupes romaines n'a cependant pas été un obstacle aux incursions de ceux que l'on appelait "les barbares". Mais ce fut surtout à partir du Vème siècle après J .-C . qu'elles furent les plus importantes et dévastatrices . En effet, en l'an 410, CONAN, dit "Mériadec", roi d'Armorique, secoua le joug des romains et se fit un royaume indépendant avec Nantes pour capitale. Il mourut en 421.

C'est alors que les Saxons, venus de l'ancienne Germanie, non contents d'avoir envahi les îles Britanniques, dites "Bretagne romaine", firent irruption dans la Bretagne de terre ferme, appelée "Britannia minor" (la petite Bretagne) ou encore "Bretagne armoricaine". Ils se portèrent particulièrement sur les bords de la Loire et occupèrent notamment le Croisic pendant plus d'un demi-siècle. Les premiers Vicomtes de Donges descendaient, d'après Léon MAITRE, archiviste de la Loire Inférieure, de ces chefs saxons qui, remontant la Loire pour s'emparer de NANTES avaient dû laisser des soldats aux positions les plus fortes de ce fleuve, pour préserver leur retour en cas d'insuccès. Donges, autrefois ville fortifiée était un de ces points et on peut vraisemblablement supposer que ces soldats se sont répandus dans la région et donc jusqu'à Prinquiau.

Entre temps, les Bretons insulaires, chassés de leur île par les Saxons, et les Angles, s'étaient réfugiés en Bretagne armoricaine vers 469.

L'autre invasion importante fut celle des Normands, les "Northmann" ou "homme du Nord", nom sous lequel on comprenait les pirates scandinaves: danois, norvégiens, suédois. Dès le Vème siècle, ils ravageaient la Britannie et la Gaule Romaine. Leur tactique, imitant en cela leurs prédécesseurs Saxons, consistait à remonter le cours des grands fleuves sur leurs célèbres bateaux, les "drakkars", et à surprendre les villes. Charlemagne, "l'empereur à la barbe fleurie" avait réussi à les contenir, mais après sa mort, en 814, ils finirent par occuper le pays et, en 853, ils entrèrent dans la Loire, prirent NANTES et saccagèrent la ville. Ils y demeurèrent jusqu'en 879, date à laquelle, par suite d'un traité avec le roi de France Charles III, dit "le Simple", ils s'établirent avec leur chef le duc Rollon, en Neustrie, qui prit le nom de "duché de Normandie".

La présence de ces peuplades d'origines diverses a-t-elle contribué à la formation des noms successifs de notre bourg ? La question peut être posée.

Tous ces peuples envahisseurs apportèrent leurs coutumes, leur religion et ainsi une certaine forme de mysticisme, peut-être dû au climat et aux brumes de leur contrées d'origine, et qui perdure chez les Bretons : leurs légendes, dont on retrouve un fonds commun chez celles des pays nordiques, en sont imprégnées. Il en sera donné deux exemples plus loin au chapitre sur le château de l'Escurays. Ce sont les Kymris qui introduisirent la religion druidique dont l'un des rites, demeuré célèbre dans les mémoires, était la cueillette du gui avec une faucille d'or.

Cet esprit religieux des Bretons permit à la doctrine chrétienne de s'implanter et de se propager sans opposition ou résistance notable. Les plus connus des missionnaires furent St-Clair, premier évêque de Nantes, vers la fin du IIIème siècle, puis St-Similien, deuxième évêque de cette cité des "Namnètes". Par la suite ce furent St-Léon et St-Félix. Plus près de nous, il y eut des ermites: St-Victor à Campbon et St-Friard et St-Second (ou Secondel) à Besné. Le plus célèbre missionnaire et prédicateur, à une époque rapprochée fut St-Louis Marie Grignion de Montfort. Une communauté et une église dédiée à ce Saint existent encore de nos jours à Pontchâteau grand lieu de pèlerinage.

Lorsque la religion catholique fut bien établie en Bretagne, on créa 9 évêchés: 5 évêchés "gallo" représentés par les 5 bandes noires du drapeau breton et 4 évêchés bretonnants correspondant aux 4 bandes blanches de ce même drapeau "gwenn ha du" en breton. Nantes était évêché "gallo" et donc en Haute-Bretagne.

La Bretagne en effet était partagée en deux par une ligne imaginaire partant de PLOUHA, au Nord-ouest de St-Brieuc et aboutissant à l'embouchure de la Vilaine, et séparant les évêchés "bretonnants" proches de la mer, des évêchés "galle".

Les bretons ont parsemé leur pays de magnifiques monuments religieux dans lesquels s'épanouit leur art très particulier, des grandes églises aux plus modestes chapelles, en passant par les "enclos paroissiaux", les calvaires, les fontaines, les statues de facture souvent naïve mais toujours très expressives.

Les guerres, et particulièrement les guerres civiles, qui déchirèrent et ensanglantèrent la France aux différentes époques de son histoire, eurent peu de répercussions en Bretagne car cette province était unie autour de ses Ducs. Il faut cependant en noter quelques-uns.

* D'une part la guerre de succession de Bretagne au XIVème siècle, qui opposa Charles de Blois, neveu du Roi de France à Jean de Montfort, soutenu par l'Angleterre. Cette guerre civile se termina par la victoire du parti de Montfort au célèbre "Combat des Trente" près d'Auray et par le traité de GUERANDE en 1365. En pays nantais les uns optèrent pour Charles de Blois, et d'autres pour Jean de Montfort. Cette épineuse question trouva sa solution par la réunion solennelle de la Bretagne à la France en 1538, réunion préparée par le mariage de la Duchesse Anne avec le Roi Charles VIII, puis, à la mort de celui-ci avec le Roi Louis XII.

Puis, les guerres dites "de religion", qui sévirent de 1562 à 1598, et opposèrent catholiques et protestants, firent sentir leurs effets jusqu'à Prinquiau. Mon trisaïeul, Denis ESPIVENT de PERRAN, a souvent raconté en famille que tous les châteaux huguenots du pays, entre autres, celui du Bois de Cesmes, furent rasés au moment de ces guerres. Or, la tradition locale rapporte qu'il existait, auprès du "Bois de Sem", un château auquel on avait donné le nom de "château des huguenots".

J'ai, personnellement, en compulsant de vieux registres cadastraux, découvert un "chemin des huguenots", mais, n'ayant pas le plan cadastral correspondant, je n'ai pu déterminer sa situation exacte. Par ailleurs, un ouvrage récent, indique qu'il existait à Prinquiau un "château de Cerny" dont je n'ai cependant trouvé nulle mention dans les documents que j'ai pu consulter.

 

(1) TOPONYMISTES: spécialistes de l'origine des noms de lieu.

(2) CASSINI: famille d'astronomes et de topographes française d'origine italienne, qui eurent une grande part dans la réalisation, au XVIIIème siècle, des cartes, scientifiquement établies, de la France à l'échelle de 1186.400e, qui devaient servir de modèles à la carte dite "d'Etat-Major".

Comte R. de Maistre